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JO 2024: la relève du Paris Volley rêve en bleu

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Les néo-internationaux Ibrahim Lawani, Benjamin Diez et Kellian Paes incarnent la prochaine génération de l’équipe de France de volley, celle qui pourrait prendre le relais à l’occasion des JO 2024 à Paris. Et ils ont tous en commun de représenter le Paris Volley en LAM.
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Croire en ses rêves. A l’arrivée de ses nouveaux investisseurs, il y a trois ans, le Paris Volley nourrissait l’ambition de développer en son sein les futurs talents de l’équipe de France, de ceux qui conduiraient les Bleus à l’or olympique en 2024, à Paris, aux côtés de la génération des Earvin Ngapeth et Benjamin Toniutti.

"Notre priorité est de former des joueurs français, pour deux raisons, explique Arnaud Gandais, le directeur général du Paris Volley. Tout d’abord, je pense que le volley a besoin de s’identifier à des joueurs français. Le problème de médiatisation vient du fait que les meilleurs français ne jouent pas en France, et à un moment donné il faut inverser la tendance. Dans une ville comme Paris, on ne peut pas faire l'économie d’avoir quelques têtes d’affiche françaises."

Ce projet annoncé avec emphase aurait pu passer pour un vulgaire axe de communication à l’époque, alors que le club se situait dans l’antichambre de l’élite, en Ligue B. Mais force est de constater, avec les années, qu’il est en passe de se concrétiser.

Ils sont trois cette saison, Ibrahim Lawani (20 ans, pointu), Benjamin Diez (23 ans, libéro) et Kellian Paes (19 ans, passeur), le dernier arrivé, à connaître ou à avoir découvert l’équipe de France de volley cet été, deux d’entre eux ayant profité des grands débuts du Brésilien Bernardinho, successeur de Laurent Tillie, pour intégrer le groupe des champions olympiques, avant d’entamer leur saison en club.

"Ils ne sont pas des joueurs installés en équipe de France, mais qui aspirent à l’être, précise Dorian Rougeyron, leur coach à Paris. Ils sont tous les trois à des stades de développement différents à mon sens, notamment en termes de vécu." Il n’empêche, Dorian Rougeyron en est persuadé, il possède à deux postes très particuliers "deux joueurs qui sont les meilleurs de leur génération". Présentation.

Ibrahim Lawani, la comète

"À plus long terme, mon objectif est de jouer aux JO à Paris en 2024." Ibrahim Lawani n’a pas encore fait ses classes au Centre national de volley-ball (CNVB) quand il prononce ses mots. Le natif de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) a-t-il seulement pris le temps de les peser, et d’en mesurer la portée, ou est-il intimement persuadé, au fond de lui, de pouvoir aller très haut?

"Quand il est arrivé au Paris Volley, c’est vraiment un tout jeune joueur, avec du potentiel certes, mais bon… à côté des autres, il ne pesait pas très lourd", se remémore Julien Lavagne, ancien réceptionneur-attaquant et libéro du club, en charge désormais de la communication et des partenariats aux côtés du directeur général.

Licencié au club de la capitale et mis à la disposition de France Avenir 2024, l’équipe rassemblant les principaux espoirs français, Ibrahim Lawani est appelé à la rescousse en février 2020, après la très grave blessure du titulaire à son poste, le Néerlandais Robin Overbeeke. Changement de monde: "Il avait le visage d’un enfant, on pouvait y lire le regard d’un jeune qui effectue ses premiers pas en Ligue A", se souvient Lavagne.

Encore un peu tendre. La trajectoire semble pourtant toute tracée pour ce talent précoce, meilleur marqueur de Pro B (18,2 points de moyenne) avant de signer son premier contrat professionnel. Le parcours, semé d’embûches, se révèle assez vite tortueux, éprouvant pour son mental. La signature d’Antonin Rouzier fin 2020 rebat les cartes. Alors que Lawani enchaîne les bonnes performances, l’ancien pointu de l’équipe de France, MVP du championnat d’Europe en 2015, pose ses valises à Paris et s’installe à la pointe.

Belle hauteur d'attaque pour Lawani face au block tourangeau - @IconSport

Dans un autre style, plus rusé, Rouzier fait valoir son expérience en bout de filet, son aptitude à attaquer les balles moyennes, sa gestion des fins de set. Tout ce qu’il manque encore alors à "Ibra". A partir de ce moment, tout va changer. "Je trouve que l’arrivée d’Antonin lui a fait du bien, constate avec le recul Dorian Rougeyron. Il avait parfois tendance à manquer d’engagement, à trop s’appuyer sur son talent."

Les avis sont unanimes à Paris, au terme d’un été particulièrement studieux, Ibrahim Lawani est revenu transformé. Et c’est un joueur transfiguré que l’on a retrouvé à la rentrée. Physiquement, le joueur s’est épaissi. Mentalement, il s’est endurci. "Il devient un pointu qui a envie de changer les matchs", apprécie Lavagne. Exemple face à Tours où, sevré de ballon par son passeur et gagné par la frustration, il exulte après une attaque gagnante, comme s’il voulait endosser seul la responsabilité de faire gagner son équipe." Paris a perdu un match de très haut niveau ce jour-là, mais il a aussi gagné un joueur hors-norme.

"Il a passé un cap sur l'agressivité, c'est quelque chose sur lequel on insiste depuis le début, confie Rougeyron. Il y a des postes où l’état émotionnel est compliqué à trouver. Par exemple, le réceptionneur-attaquant doit être très relâché et calme au moment de la réception, puis très agressif. Le pointu, il n’est que dans l’agressivité. Il contre, il attaque, il bloque, il sert, il défend. C’est un secteur de jeu dans lequel on a besoin d’être agressif, on a beaucoup appuyé là-dessus l’année dernière. Je n'arrêtais pas de lui dire, chaque ballon que tu joues à l’entraînement, faut que tu te mettes dans la tête que c’est une balle de match." Message reçu.

Kellian Paes, éthique de travail et créativité

Ils étaient nombreux, parmi les amateurs de volley-ball également, surpris de voir son nom apparaître aux côtés de Benjamin Toniutti et Antoine Brizard, sur la première liste de Bernardinho, pour le stage estival de l’équipe de France à Belfort. Difficile ensuite d’assumer, sans penser une seule seconde à ce que les autres diront de vous, vous rappelant immanquablement que vous êtes le fils de… Mauricio Paes, l’adjoint du sélectionneur. Mais personne ne s’y est trompé, car l’évidence a immédiatement sauté aux yeux des spectateurs réunis à Belfort, ce joueur est différent: doté d’une créativité sans bornes et d’un sacré tempérament.

A peine sorti du CNVB, où il était cajolé, pas un seul match chez les pros à 19 ans, et lancé dans le grand bain à la mène, chez les champions olympiques en titre, tout juste sacrés à Tokyo. La vie d’adulte. Il en faut, du courage et du sang-froid, pour ne pas s’effondrer sous le poids de la pression. Kellian Paes a pourtant joué comme il sait le faire, avec beaucoup de personnalité, ne négligeant aucun aspect de ce qui fait sa particularité, avec des grosses options de jeu pour sa première chez les très grands. Époustouflant, tout simplement.

"Il a montré avec les Bleus cet été, à Belfort, qu'il était capable de jouer sous la pression: la pression du public, des médias et de ses partenaires, autant ceux qui évoluaient avec lui sur le parquet que les champions olympiques qui le regardaient des tribunes, se félicite Mauricio Paes, le papa, coach de Tourcoing. Il ne devait pas se rater devant tout le monde et, je crois, qu’il a fait bonne impression, sinon impressionné. Et je n’ai pas été surpris, il a démontré qu’il pouvait être bon sous la pression."

Kellian Paes avec l'équipe de France, l'été dernier - @IconSport

Une salle bondée qui pousse derrière son équipe, Kellian a connu cela durant toute sa jeunesse, lui qui a grandi en partie dans la salle Charpy du Paris Volley, à une époque où le paternel était chargé de l’équipe première. Le prodige du Paris Volley a pratiqué le judo, le foot et le tennis, mais c’est bien le volley qu’il a finalement choisi, inspiré par sa grande sœur, Loane. "Elle a dit un jour: 'le volley est le club de la famille’"A partir de là, Kellian a foncé tête baissée. Et son père insiste: "Je ne les ai jamais poussés à faire quelque chose, c’est leur projet, ce sont leurs choix."

Celui de Kellian s’est rapidement et naturellement tourné vers le Paris Volley. Encore une histoire de filiation, sans doute. "Même moi, j’ai été surpris par … (il cherche le bon mot) son amour pour le Paris Volley, confie Mauricio Paes. Il était dans les travées de Charpy pour jouer avec ses copains quand j’ai gagné des titres avec le club parisien (coach de 2006 à 2011). Ce sont peut-être ses premiers souvenirs d’enfant. Il a une vie commune avec le Paris Volley, il aimait et aime ce club charnellement. Il y a découvert ce qu’était la victoire et j’ose croire que c’est resté."

"Il a l’avantage d’être issu d’une famille sportive de par son père mais aussi sa mère et donc il a une éducation sportive qui est intéressante, constate Dorian Rougeyron. Il a quand même une approche de sa pratique qui est plutôt mature." Les joueurs que nous avons interrogés n’ont pas souvenir d’un joueur aussi fort à cet âge à la passe. "Benjamin Toniutti a rapidement joué à Sète, mais il n’y en a pas eu beaucoup d’autres", selon Julien Lavagne. Un sacré personnage, d’après les témoignages que nous avons pu recueillir.

Très motivé, il a parfois tendance à confondre l’exigence et l’autoflagellation, selon un membre du staff du Paris Volley. "Mais il sait où il veut aller, et cherche à évoluer tout le temps", note Dorian Rougeyron, dont le plus grand travail consiste à canaliser la fougue de ce passeur joueur, sans le brider, pour qu’il conserve sa créativité et enlève le superflu. Un difficile équilibre pour ce joueur dans l’âme.

"Aujourd’hui il fait déjà des différences au service. C’est un très bon bloqueur, pas forcément sur le plan athlétique mais sur le plan tactique, il a une très bonne lecture du jeu. Il sait quand il est capable de poser des blocs à trois, il est capable d’aider sur des fixations sans se compromettre sur les bouts de filet, il est engagé en défense, il a plein de qualités autres que la passe, mais il en a aussi à la passe. Il faut qu’on arrive à trouver le juste milieu."

Plongé au cœur de la vie d’un groupe professionnel, où il s’agit d’appréhender des cultures différentes, Kellian Paes a basculé dans un autre monde, et doit encore s’adapter pour donner la pleine mesure de son talent, forcément. Mais il peut compter pour cela sur le soutien du passeur titulaire de l’équipe, le vétéran Guillermo Hernan.

"C’est une inspiration pour Kellian, une inspiration pour sa carrière. Les deux se tirent mutuellement vers le haut. Mais il n’est pas là non plus pour rester trois ans sans jouer", prévient Mauricio Paes. Jeune et ambitieux.

Benjamin Diez, le successeur

"J’ai le meilleur libéro du championnat", nous confiait Dorian Rougeyron la saison dernière. Et de son point de vue, la doublure de Jenia Grebennikov en équipe de France fait toujours partie du haut du panier en LAM. Un championnat qu’il écume depuis plusieurs années malgré son jeune âge. Benjamin Diez n’a pas le même vécu que ces deux jeunes partenaires, et a été titulaire dans plusieurs clubs déjà, même s’il lui reste encore beaucoup à apprendre. C’est dire le potentiel du garçon. "Petit Jenia", le surnomme-t-on parfois, dans le milieu du volley. Un joueur capable de multiplier les défenses et de peser sur le jeu comme peu de joueurs à son poste… Le parallèle est vite tracé. Un peu trop vite?

"Je vais être transparent, promet Dorian Rougeyron. La première fois que j’ai vu Benjamin, c’était à un colloque d’entraîneurs, à Montpellier. Et à l’époque, il était au CNVB. Il était plutôt jeune. Ils étaient deux libéros. Quand je l’ai vu à l’entraînement, je me suis dit: 'tiens, c’est marrant, il me fait penser à Jenia'. Je le trouve au-dessus. Quand je le vois, il me fait penser à Jenia. C’était plus dans la gestuelle, je trouvais qu’il était assez fort sur les membres inférieurs en isométrique. Je trouvais que dans la gestuelle il avait ça, que la qualité de sa passe de transition rappelle celle de Jenia. Aujourd’hui, plus ça avance et moins je pense à ça, je ne me pose plus ce genre de question, mais la première fois que je l’ai vu, c’est ce que je me suis dit, alors qu’il était très jeune."

Relance de jeu délicate à négocier pour Benjamin Diez - @IconSport

Après deux années d'apprentissage à l'AS Cannes puis deux de confirmation avec Montpellier en haut du tableau de Ligue A, le prometteur libéro devenu un excellent joueur a pris la suite de Julien Lavagne dans la capitale. Ce dernier ne tarit pas d’éloges sur son successeur: "Peu de libéros sont aussi impactants sur le système. C’est un bon libéro en réception, je pense qu’il peut faire encore mieux, même si c’est déjà très bien. Mais je pense qu’il va progresser, et il va prendre de l’expérience. Il va prendre encore plus de place dans le groupe, sur l’impact qu’il va mettre dans les vestiaires, ça va venir avec le temps, comme Jenia ou Hubert ont pu le faire. Il est déjà à un niveau très haut mais ça risque de devenir quelqu’un dans sa personnalité et le caractère qu’il met dans son jeu."

Pour devenir un joueur de classe mondiale et évoluer au sein des meilleures formations à l’étranger, Benjamin Diez devra peut-être se montrer encore plus solide dans les fins de set où l’air devient irrespirable. "Le premier match qu’on a joué à Cannes (perdu au tie-break, 2-3), je me dis qu’il peut peut-être verrouiller un peu plus, concède Rougeyron. On mène deux sets à un, 23-20, on prend trois bons services (de l’Allemand Christian Fromm). Ce sont trois bons services, lui prend les deux premiers. S’il veut passer à l’étape supérieure, il faut qu’il arrive à garder ces ballons là, qu’il parvienne à se recentrer sur le duel avec le serveur. C’est là où Jenia a un temps d’avance. Il a conscience qu’il est au duel avec le serveur, qu’il ne doit pas perdre son duel, quoiqu’il arrive."

Quentin Migliarini avec MB

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