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Volley: "C’est insupportable", le président de la LNV exaspéré par le manque de diffuseur pour la LAM

Ancien patron de la Fédération Française de volley (2013-2015) et président du Tours Volley-Ball (2016-2020), Yves Bouget est le président de la Ligue Nationale de Volley (LNV) depuis le début de l’année 2021. Après le titre olympique des Bleus, l’été dernier à Tokyo, ce chef d’entreprise est exaspéré par le manque de visibiité du championnat de France dans lequel évolue trois champions olympiques. 

Comment se porte le championnat de France trois mois après le titre olympique ?

On redécouvre aujourd’hui ce qu’on devrait toujours adorer mais que la force de l’habitude nous avait fait oublier : les matches dans les salles. Des salles combles tant dans les championnats féminins que masculins avec une hausse de 10% du nombre moyen de spectateurs par rapport aux années passées. Sportivement, les salles sont redevenues le septième homme des matches car on voit qu’il est plus difficile de gagner à l’extérieur. Avec la sortie de la crise sanitaire et la baisse annoncée du public dans les salles de spectacle et de cinéma, nous n’étions pas assurés de cette dynamique. Mais les salles sont redevenues des lieux de partage où les hommes et femmes ont retrouvé un peu de chaleur sociale. Les fans, anciens et nouveaux, ont répondu présent. 

Les clubs font le plein d’adhérents et pourraient même en recruter plus sans le manque de créneaux horaires pour accueillir des enfants dans les salles. Quelle est la solution ?

C’est triste quand on voit qu’à Paris, Sète, Tourcoing et ailleurs, il n’y a plus de place pour nos équipes de jeunes. Il faut des solutions intelligentes. Quand on ne peut pas entrer par la porte, on passe par la fenêtre. Alors soit on attend par magie que des fans de volley créent eux-mêmes des clubs (mais bon, il ne faut pas trop y croire !) soit on aide les gens à créer des clubs ex-nihilo. Les structures existantes sont saturées et il faut aujourd’hui 20.000 euros pour créer un club. Il nous faudrait 2 millions d’euros pour créer une centaine de clubs. Le handball, bien avant nous, a compris l’importance de ce maillage du territoire français, bien aidé en cela par les succès olympiques, mondiaux et européens depuis 30 ans du handball tricolore depuis les Barjots. J’espère qu’il ne nous faudra pas attendre 60 ans pour gagner une autre médaille olympique. 

Médiatiquement, le championnat de volley français n’existe pas. Il n’est pas diffusé sur les chaînes de télé françaises...

En effet, les chaînes de télévision diffusent principalement du foot, du rugby ainsi que du vélo, du handball et du tennis à un degré moindre. Il faut bien se dire que, dans un avenir proche, tous les autres sports vont se retrouver à la place du volley, évincé des chaînes gratuites comme payantes. On le voit déjà avec le basket français. Ces chaînes multi-diffusent des matches de foot dont l’intérêt, au fur et à mesure, s'amenuise. Elles annoncent vouloir diffuser des matches en direct, vouloir des produits frais mais diffusent les mêmes matches en boucle. Et surtout : elles ne veulent pas payer la production de nos rencontres de volley. C’est dommage car on serait là pour combler un manque, un vide… mais même pas. C’est insupportable ! On parle d’un sport champion olympique qui va défendre son titre à Paris dans trois ans. 

Président, le championnat n’existe pas médiatiquement et le premier match de la saison, deux mois après le titre olympique de la bande à Tillie, est Toulouse-Cambrai. Une autre affiche n'aura pas été préférable ?

Je vous l’accorde, c’était une erreur. Nous avions tellement de chantiers à gérer depuis mon élection en janvier que cette donnée n’était pas une priorité. J’assume ce manquement. Qui plus est, la première journée doit se dérouler le même jour pour tous et là, ce premier match s’est tenu sur trois jours. Idem pour le Boxing Day, notre journée du 29 décembre. On s’est aperçu que ces derniers jours de décembre, les salles étaient combles dans le Nord, à Tours ou à Sète. On a fait là aussi quelques erreurs que j’assume.

Lorsque vous étiez président du club de Tours, vous n'étiez pas fan de la LNV-TV. Aujourd’hui c’est l’arme de reconquête de la Ligue. Pourquoi ce revirement ?

C’est vrai mais entre juillet et septembre, nous avons dû imaginer un plan pérenne de développement de nos championnats. Il fallait faire fructifier le titre olympique et mes équipes se trouvaient face à l'écran noir des chaînes. Donc notre choix s’est porté sur la création de notre propre chaîne. Le précédent pay-per-view est arrivé trop tôt et nous avons fait le choix de créer un 'freemium' : les fans peuvent voir leur équipe préférée gratuitement, en streaming, et seule une rencontre par journée, le Match of the Day, est payante.

C’est un choix stratégique car nous produisons, nous payons, les moyens de production avec 5 caméras et des commentateurs. Alors oui, il faut payer 29 euros à l’année pour voir cette affiche (le streaming est gratuit) mais à terme on sait ce que coûtera et vaudra notre championnat avec ce nombre d’abonnés. Au climax de la saison, en avril, avec les playoffs, je suis sûr que nous pourrons monnayer notre championnat avec des diffuseurs attirés par ces matches à élimination. On investit pour l’avenir, pour grandir. Et on grandit puisque nos tuyaux ne sont plus assez gros aujourd’hui. En un mois, les données digitales, la bande passante de nos streaming, ont augmenté de 20%. C’est à nous de trouver une alternative pour attirer une ou des chaînes dans la perspective des playoffs. Nous avons en avril une fenêtre de tir. A nous de la faire fructifier.

Propos recueillis par Morgan Besa