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Volley: Yacine Louati, vis ma vie de champion olympique à Fenerbahçe

Yacine Louati est le réceptionneur-attaquant de l’équipe de France de volley, championne olympique à Tokyo l’été dernier. Avec son club de Fenerbahçe, il accueille ce mardi (17h) l’AS Cannes pour la première journée de la CEV Champions League. Le Tourquennois raconte sa vie sur les rives du Bosphore entre Europe et Asie.

Yacine Louati, vous recevez l’AS Cannes, champion de France en titre, mais avant-dernier de LAM. Ce n’est pas un match qui fait peur au Fenerbahçe, deuxième de son championnat turc, si ?

On a bien commencé notre ligue domestique, avec seulement 2 défaites et 8 succès, mais le début d’une telle compétition est toujours un saut dans l’inconnu. L’enjeu est important dans une poule où les équipes italiennes de Trentino (Trente) et Perugia (Pérouse) sont favorites. Ce sont les deux meilleures équipes du championnat transalpin actuel. On va se battre avec Cannes pour finir sur le podium. Terminer deuxième serait une pure folie mais je n’y crois pas trop. Notre jeune équipe a encore des relations techniques à parfaire et n’est pas encore totalement en place, pas encore complètement stable et régulière. Sur un match fou, à Istanbul, on pourrait bousculer et gagner face à une grosse cylindré italienne. Ce serait un exploit. Le championnat se passe bien, mais là, on est embarqué dans une belle aventure européenne.

Vous avez quitté Chaumont et la France en 2018 sur un titre de champion pour l’Italie, puis la Pologne et aujourd’hui la Turquie. Vous avez une âme de globetrotteur ?

Je n’ai pas peur de partir à l’aventure et de découvrir de nouveaux championnats. Je m’aperçois que je n’ai joué qu’une seule fois deux saisons successives dans un club (Toulouse) si l’on excepte Tourcoing, mon club formateur. J’ai cette envie de progresser sans cesse dans ma carrière et de trouver des environnements toujours plus compétitifs. J’ai quitté Chaumont pour Padoue puis Monza. Pour la première fois, j’étais confronté au plus haut niveau international dans l’un des deux plus grands championnats européens, avec la ligue polonaise.

Un grand volleyeur doit-il connaître une fois dans sa vie le championnat polonais ?

Le club de Jastrzębski Węgiel construit une équipe pour gagner chaque saison. La preuve en est que nous avons terminé champion. J’arrive en 2020 et à cause du Covid, la jauge des salles était de 25%. Mais dans la ville, les habitants nous transmettaient leur ferveur. Je le sentais quand j’allais faire mes courses. Là, à Jastrzębie Zdrój, j’ai vraiment ressenti ce qu’est une ville et une vie de volley, plus qu’en Italie ou ici. Quand nous avons gagné le championnat, mes voisins nous ont offert des cadeaux et des plantes avec un petit drapeau polonais sur lequel était inscrit 'merci pour tout' ou 'félicitations'. La majorité des 100.000 habitants travaillent à la mine, qui est aussi le sponsor du club (JSW, Jastrzębski Węgiel). On faisait tous partie, joueurs et habitants, d’une même et grande famille. C’était fort car le volley est le sport numéro un en Pologne.

A 29 ans aujourd’hui, est-ce que l’aspect financier a compté ?

Je gagne quatre à cinq fois plus que mon salaire en France mais les championnats dans lesquels j’ai évolué sont mieux exposés médiatiquement. L’économie est donc différente. Dans ces ligues, il y a toujours une chaîne et un streaming qui diffusent les rencontres. En Italie, un à deux matches sont diffusés sur la RAI, en Pologne et en Turquie vous pouvez regardez tous les matches.

Pourquoi avoir choisi de jouer en Turquie ?

A Istanbul, je peux allier vie sportive et épanouissement personnel car je joue dans la même ville que ma compagne, la volleyeuse belge Laura Heyrman. Elle évolue au Eczacıbaşı Spor Kulübü, alors qu’elle jouait à Monza l’an dernier pendant que j’étais en Pologne. Mais le Fenerbahçe a aussi des structures sportives impressionnantes. Notre centre d’entraînement regroupe celui de l’athlétisme et du centre de formation du basket et du foot. Nous sommes sur la rive asiatique, à Kadıköy, tout près du stade de foot. Les installations de Jastrzębski sont à peine supérieures mais j’ai été très agréablement surpris par les moyens mis à notre disposition.

Vous côtoyez Nando De Colo, les basketteurs ou les footballeurs du "Fener" ?

Je suis déjà allé voir Nando en Euroleague contre Kazan, le mois dernier, mais les basketteurs s’entraînent plus loin à Atasehir. On s’est vu, on échange et on garde contact.

Est-ce que le public du volley est aussi bouillant que celui du basket ou du foot ?

J’ai reçu beaucoup de messages de supporters qui étaient ravis de mon titre olympique et qui m’ont accueilli les bras ouverts dans la famille Fenerbahçe. Ce n’est pas un vain mot, ce mot de famille. Mais il faut dire que le volley masculin arrive après le football, le basket et le volley féminin. C’est le quatrième sport. Il y a tellement de matches que le volley reste moins suivi. C’est tellement vrai que nous avons plus de supporters lors de nos déplacements qu’à domicile ! On l’a vu à Tokat, Cizre et ailleurs. Disséminés dans tout le pays, nos fans attendent avec impatience ces déplacements et remplissent les salles alors que notre arena stambouliote est rarement pleine… même pour le derby contre Galatasaray.

Quelle est votre vie quotidienne à Istanbul ?

Elle est rythmée par les entraînements, bien sûr. Ma compagne joue le samedi, moi souvent le dimanche. Nous vivons dans deux appartements séparés par les rives du Bosphore. Comme mon quartier est beaucoup plus calme que son quartier européen, du côté de Besiktas, Laura vient souvent à la maison à Kadıköy. Je parle quelques mots de turc mais je dois reconnaître que son apprentissage nécessite beaucoup d’efforts. Il y a quelques mots français qui survivent comme ‘ascenseur’ ou ‘coiffeur’ mais je baragouine quelques mots et je comprends la carte des restaurants. J’aime beaucoup les dürüms qui sont plus sains que les kebabs européanisés. Je retrouve aussi les saveurs méditerranéennes de mes origines tunisiennes.

On termine par l’équipe de France. Yacine, êtes-vous prêt pour de nouvelles aventures l’été prochain ?

Évidemment mais il faut digérer l’été japonais.

Ce n’est pas un lointain souvenir ?

Loin de là. Franchement, je me pince encore. Parfois, je me réveille et je prends quelques minutes pour me dire ‘bon ok, je suis champion olympique’ ! C’est énorme. J’y repensais pas plus tard que ce lundi dans ma cuisine et je me disais ‘mais on a réalisé un truc de fou’ ! Ma médaille d’or n’est pas ici à Istanbul mais elle est restée avec ma famille à Tourcoing, comme un symbole car c’est dans le Nord que tout a commencé. Je garde contact avec mes amis, mes frères de l’équipe.

Le mode d'emploi de la Ligue des champions qui débute ce mardi

Lors des quatre tours préliminaires de septembre à novembre, dix-sept équipes étaient engagées et deux se sont qualifiées pour la phase de groupes, rejoignant les dix-huit équipes directement admises à ce stade de la compétition. Les vingt clubs se retrouvent dans cinq groupes de quatre. Les premiers de chaque groupe et les trois meilleurs deuxièmes seront qualifiés pour les quarts de finale, qui se joueront, tout comme les demi-finales, sur une confrontation aller-retour. La finale, organisée en même temps que la finale de la C1 féminine, est prévue le week-end du 21/22 mai dans un lieu qui reste à définir.

Morgan Besa